Vernissage le 6 décembre de 11h à 18h
Du 6 décembre 2025 au 31 janvier 2026
Après un long voyage en Amérique, le photographe part pour Naples en 1987 avec sa compagne Françoise Nuñez. Là-bas, il capture un monde grouillant de vie, de bruit, d’énergie. En clin d’œil à la série Les Américains de Robert Frank, il intitule sa série d’après le gentilé de la ville italienne, dont les habitant·es peuplent et envahissent ses images.
Toute mon enfance, j’ai entendu ma mère parler de nos origines italiennes, évoquer les noms de tante Dina, de Nana mon arrière-grand-mère. Un jour, au début des années 1970, je suis parti pour Naples et Pompéi sous une pluie torrentielle : c’était magnifique ! Puis je suis allé vivre
sur les hauts plateaux sauvages du Nouveau-Mexique. Lors de mes rares retours en Europe, je ressentais le besoin impérieux d’aller en Italie. Je ne sais trop pourquoi, peut-être pour marcher dans des rues verticales, alors que les paysages de l’Ouest américain que j’arpentais étaient
surtout horizontaux. Et depuis un premier voyage à Rome en 1979, je n’ai cessé de revenir en Italie. Un besoin, une passion, je m’y sens bien. Je vais partout, à pied, en auto, en train ; des montagnes du Piémont aux Pouilles ; de Cuneo à Bari, de Turin à Palerme, de Bologne à Cagliari. Tout m’attire ! Partout je photographie les paysages, les gens, les ambiances, l’architecture, le présent, le passé, le
futur, la poésie… En toute saison, aimant tellement ce qu’on appelle, à tort, le mauvais temps (je dis toujours que le mauvais temps est le beau temps du photographe), de
jour et de nuit, dans l’éclatante lumière de midi comme dans la « non-lumière » du crépuscule, quand les choses s’effacent. Je n’utilise que mes vieux Nikkormats, appareils qui ont la moitié de mon âge, et avec uniquement un objectif de 50 mm, le plus classique, pour ne pas déformer le réel, comme la caméra à l’épaule du cinéma de la Nouvelle Vague.
Extrait Bernard Plossu, Voyages italiens
Entretien avec Bernard Plossu
Questions de Stéphane Guglielmet
Ma première question concerne l’année 1987. C’est la première fois que vous veniez à Naples avec Françoise ? Un an avant de connaître Françoise, j’y étais déjà allé. Des photos prises en 1970, il ne reste rien parce que c’étaient des négatifs faits au grand angle que j’ai jetés. C’était Rome.
Dans l’historique de ma famille, ma grand-mère a été élevée à Naples. Mon grand-père et mon grand-oncle ont participé à la construction de l’aqueduc. Ma mère par- lait italien couramment, et j’ai retrouvé une photo d’elle à Naples quand elle avait huit/neuf ans. Et puis un jour, quand je suis allé à Rome en 1970, je me suis arrêté de nuit à Naples. Et là je me suis dit : « Il faut que je revienne, c’était tellement fort ! ». Alors j’y suis revenu avec Françoise. En 1987, on a été invités par le Centre culturel français. Ils avaient choisi des artistes très différents, mon travail en photo collait bien et on a été logés à Naples, Françoise et moi. Durant ce séjour, on a visité l’île de Procida qui est en face. Évidemment, ça nous a plu et on a décidé de continuer. Après, j’ai reçu une bourse de « Grenoble » qui était le Centre culturel français de Naples à l’époque. Ils nous ont loué une vieille mai-
son de pays avec beaucoup de charme et j’ai commencé à photographier Naples, Stromboli…
Je me suis bien rendu compte, dans les photos que tu vas exposer, qu’elles ne par- lent pas de Naples, mais des Napolitains. D’habitude, dans les villes, il y a toujours un peu de silence, de vide. Là, il n’y a pas une photo calme. C’est ça qui m’intéresse dans le sujet. On m’interpelle au tournant. Je sais faire des photos quand il faut avoir du nerf
Par rapport à cette arrivée à Naples, je voulais savoir comment tu as abordé les photos ? Est-ce que tu es parti au hasard des rues, des quartiers ? Tu partais plutôt le matin, le soir ? Est-ce qu’au départ tu voulais vraiment photographier les gens ?
Au départ, ce n’est pas moi qui l’ai abordée, c’est Joachim dans la poussette. Normalement, il y a des tas de quartiers de Naples où on ne peut pas aller, mais comme les enfants sont très aimés en Italie, les gens sont avenants. On a pu aller dans les quartiers les plus chauds sans avoir peur des vols d’appareils photo. Avec la poussette, ce n’était pas nous qui allions vers les gens, mais les gens qui venaient à nous ! Je n’ai jamais eu peur une seule fois en faisant les photos. Je n’ai jamais eu l’impression d’embêter quelqu’un. J’étais complètement en osmose avec les Napolitains et les
Napolitaines.
Et sur la façon dont tu as abordé les rues, les moments ?
Pas de plans, juste au hasard. J’ai vu sur les images qu’il y avait des séries de 1987/1988,
Sur combien de temps tu as fait ces images ?
Sur deux ans. Les deux grosses années, c’est 1987/1988, et après j’y suis retourné. La photo de la gare « Napoli Centrale » a été prise des années après. Je suis repassé par là en allant visiter les îles italiennes. Le bateau de Naples à Stromboli, qui part à l’aube, j’ai dû le prendre trois ou quatre fois.
Quand j’ai regardé les photos, j’ai beaucoup pensé à ce que tu me disais par rap- port à l’histoire de la photographie et à la série de Robert Frank : Les Américains. J’ai ressenti des similitudes avec tes images, que ce soient des paysages, des scènes de vie…
Je n’ai pas fait exprès (rires) ! Le seul autre pays où j’ai beaucoup photographié les gens, c’est les États-Unis. J’y ai passé vingt ans quand même. Le livre s’appelle So Long. C’est un peu les mêmes photos que Naples. C’est au 50 mm, il y a des gens, de l’action, de l’ambiance ! Ma rigueur, c’est le 50 mm. La différence entre les siennes et les miennes, c’est qu’il détestait les gens qu’il photographiait aux États-Unis, et moi je suis parti en détestant les photos que j’ai pu y faire. Pour faire Les Napolitains, c’est une idée que j’ai découverte après, dans mes planches-contact. Je ne voulais pas aller faire un livre sur Naples. Je me suis rendu compte de la quantité après.
Dans l’exposition, il y a une série qui s’appelle La nuit. Est-ce que, pour la réaliser, tu es sorti plusieurs fois pour avoir une autre ambiance ?
On sortait tous les soirs ! Avec le 50 mm, la nuit j’ouvre à 1.4 et je me mets au 1/8 s. Même si ça bouge un peu, ce ne sont pas des flous, ce sont des tremblés. Quand je dois faire une photo, que ce soit de jour ou de nuit, je la fais. Il y avait une ambiance forte, la nuit ! J’ai aussi beaucoup photographié Lisbonne la nuit, Porto aussi…
Quand je cherchais un titre pour les photographies au Portugal, je l’ai appelé « Le pays de la poésie ». Pour les photos de Naples, elles ne parlent pas de la ville mais des Napolitains, leurs façons de vivre, leurs manières, leurs bruits, leurs odeurs. Le projet m’intéressait de ce point de vue-là. Ce n’est pas le Plossu qu’on connaît. On me cantonne dans des sujets métaphysiques et poétiques, mais cette série n’est ni métaphysique ni poétique ! Je ne suis pas juste un type qui photographie des chaises vides, mais aussi quelqu’un qui fait des photos de personnes qui courent dans la rue !







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